Le processus de réflexion et de prise de décision démarre dès lors qu’une personne identifie une situation insatisfaisante, un problème. Les pensées de type : « ça serait bien de », « et si », « si ça ne tenait qu’à moi » sont le signe qu’il est temps pour soi d’agir ! A partir de là que fait-on ? Pour prendre une décision en autogestion, il est recommandé de passer plus de temps pour réfléchir à construire des solutions compatibles avec l’autogestion, même si c’est plus énergivore à ce stade, qu’à résoudre le problème au plus vite. En général plus un fonctionnement est simple et fluide plus la réflexion a été intense au moment de la conception. A l’inverse une décision rapide génère souvent tout un tas d’effets secondaires notamment de prise de pouvoir, de complexité de gestion ou de travail en plus. Si possible la solution intègre une manière ludique et légère d’agir, qui donne envie de passer du temps ensemble au moment de la réalisation. Cela s’oppose à une logique plus courante, qui vise à appliquer une solution connue, traditionnelle, culturelle qui a l’air « de bon sens » mais qui va prendre la tête, générer des problèmes à long terme,…

Nous proposons ici une quinzaine de questions pour tester votre aptitude à prendre des décisions en autogestion de manière qualitative, à résoudre les problèmes qui se posent dans nos épiceries en musclant votre créativité et évitant les pièges de la prise de pouvoir sur les autres et la création de surtravail.

Imaginez que vous êtes dans votre meilleur spot, dans un siège confortable avec un petit magazine « 50 jeux libertaires pour un monde créatif » et un crayon. Prenez votre meilleure idée et tentez de passer à la moulinette de ce test pour prendre une décision en autogestion !

Testez votre initiative en 15 questions !

Voici le quiz adapté avec trois réponses possibles à chaque question. Elles te permettent de mesurer si ton initiative respecte de le cadre et l’esprit de la coopérative pour prendre une décision en autogestion ou si elle nécessite des ajustements.

0. Pour résoudre un problème, j’ai au préalable formulé le problème ?

♠  Le problème est formulé mais de manière relativement fermé. Il enferme l’imaginaire.

♣ Non. Le problème n’est pas formulé. Une solution est formulée avant de s’assurer d’avoir identifié le problème.

▲Le problème est mis sur la table. La réflexion s’ouvre sans limite de créativité.

1. En cas de doute ou de risque d’impact, ai-je consulté d’autres membres pour éviter erreurs, oppositions ou malentendus ?

▲J’ai largement consulté le collectif et pris en compte les retours en reformulant jusqu’à une proposition synthétique qui parfois/souvent va aboutir à une nouvelle proposition.

♠ J’ai consulté les gens qui sont généralement proches de moi ou en accord avec moi.

♣  Je l’ai initiée seul(e) ou avec peu de consultation.

2. Mon initiative augmente-t-elle la charge de travail pour un groupe de membres ?

▲ Non, la charge de travail est équitablement répartie entre tous les membres ou ponctuellement plus importante sans rendre prisonnière la personne.

♠ Elle implique davantage certaines personnes, sans générer de charge mentale nouvelle.

♣ Oui, cela crée plus de travail pour une personne ou un groupe.

3. Mon initiative consomme-t-elle des ressources partagées de manière disproportionnée par rapport aux bénéfices attendus ?

♣ Oui, elle utilise beaucoup de ressources au détriment d’autres projets.

▲Non, elle utilise les ressources sans impacter d’autres projets et en gardant de la marge de manœuvre.

♠ Elle consomme des ressources, mais elles sont disponibles, pas d’autre utilisation en cours.

4. Mon initiative peut-elle être portée par plusieurs personnes sans compétences spécifiques ?

▲Oui, tout le monde peut la mener à bien sans expertise particulière.

♣ Non, cela repose principalement sur mes compétences ou celles d’un petit groupe.

♠ Elle est accessible, mais nécessite un peu de formation.

5. Si je devais (ou deux trois personnes) me retirer, le collectif pourrait-il continuer cette initiative sans difficulté ?

♣ Non, sans moi, elle s’arrête.

▲Oui, le collectif peut prendre le relais sans délai.

♠ Elle peut continuer, mais avec quelques ajustements ou la formation d’autres. Difficulté à trouver des volontaires.

6. Mon initiative est-elle irréversible si elle ne fonctionne pas ?

♠ Elle peut être stoppée, mais cela demandera des efforts.

▲ Elle est facilement modifiable ou réversible.

♣ Une fois lancée, on ne peut plus revenir en arrière.

7. Est-ce que mon initiative introduit des niveaux supplémentaires de décision, de validation ou d’autorisation ?

♠ Elle rajoute des étapes, mais elles ont l’air nécessaires pour mieux gérer.

▲ Non, le processus se retrouve simplifié et laisse plus d’autonomie aux membres.

♣ Oui, elle nécessite des autorisations et des validations supplémentaires, souvent des réunions de prise de décision.

8. Mon initiative a tendance à mettre une personne en avant, à valoriser l’égo d’une personne ou un groupe particulier ?

▲ Non, elle souligne l’implication et la réussite collective.

♠ Elle me met en avant, mais j’encourage aussi les autres à participer.

♣ Oui, elle place une personne ou un groupe au centre de l’attention, des remerciements et réduit ou invisibilise l’importance de l’implication des autres membres.

9. Est-ce que mon initiative amène à garder des informations cachées au reste du groupe ?

♣ Certaines informations ne sont pas partagées.

♠ Certaines informations seront publiées, mais plus tard.

▲Non, tout est transparent et accessible à tous les membres.

10. Comment je me sens vis à vis des gens qui ne s’impliquerait pas dans l’initiative que je propose ?

♠ Je ne comprendrais pas pourquoi ils ne s’impliquent pas alors que l’initiative me semble être une bonne solution à un problème.

♣ J’aurai du ressentiment car il suffirait que tout le monde (ou tout un groupe) s’y implique, souvent de manière arithmétique, pour résoudre le problème.

▲Je sais qu’une solution ne peut répondre à toutes les sensibilités. Je pousse à ce que d’autres initiatives parallèles soient prises

11. Mon initiative permet-elle une gestion par tous les membres ?

♠ Elle est ouverte, sur demande et pour les personnes motivées.

♣ Non, seuls quelques membres peuvent y participer.

▲Oui, tout le monde peut y participer sans barrières.

12. Suis-je en train de complexifier (bureaucratiser) le fonctionnement ?

▲Non, c’est simple, accessible, sans procédures lourdes et couteuses.

♣ Mon initiative intègre des processus multi-étapes, qui nécessite des connaissances parfois pointues et/ou des réunions régulières.

♠ Pour réaliser l’action, la plupart des gens au premier abord ne comprennent pas bien comment ça marche.

13. Mon initiative est-elle en train d’instituer une tâche permanente, de nouvelles obligations ?

♠ J’effectue une tâche, avec une organisation insatisfaisante du point de vue de l’autogestion, mais cette tâche est temporaire, une transition vers des nouvelles modalités qui seront elles satisfaisantes dans peu de temps.

▲Non, la tâche est ponctuelle ou facilitée, simple et appropriable par toustes et des moyens de prise de conscience collective et de légitimation sont mis en place.

♣ Oui, une nouvelle tâche devra être assumée par le collectif de manière récurrente et permanente. Nécessite probablement des outils pour s’organiser (ex : tableau d’inscription par semaine,…).

14. Suis-je en train de créer un poste ou rôle ou commission permanent(e)  ?

♠ Des gens se réunissent temporairement non pas pour faire la tâche mais pour réfléchir à des manières autogérées de le faire.

▲La tâche est ponctuelle ou auto-organisée, et chaque membre peut y contribuer de manière spontanée, sans qu’un rôle permanent ou une commission ne soit nécessaire.

♣ Des personnes seront désormais tout le temps nécessaire pour assurer une tâche que je pense nécessaire.

15. Mon initiative implique-t-elle une notion de performance, de rentabilité ?

♣ Elle repose sur des critères de performance et de rentabilité. Rapidité. Productivité. Optimisation. Rationalisation.

▲Non, elle valorise le plaisir de contribuer à sa mesure et non la rentabilité.

♠ Elle intègre certaines notions d’efficacité, mais sans pression à atteindre un objectif précis ou à mesurer quantitativement l’implication de chacun.e.

Bonus :

Une fois la décision formulée et/ou mise en oeuvre, est ce qu’il y a encore de la place à la recherche d’alternative ?

Résultat du test *

Au moins 3 ♣ :

Aïe, il va falloir revoir complètement cette idée !
Ton initiative semble malheureusement introduire des éléments contraires aux principes de l’autogestion et du collectif. On voit apparaître des risques de centralisation, de complexité ou même de hiérarchie. Il est essentiel de reprendre ton projet à zéro, en te concentrant sur des solutions qui favorisent la participation de tous, sans bureaucratie ni dépendance à un petit groupe. Ne te décourage pas, mais n’hésite pas à consulter d’autres membres pour ajuster ton approche.

Moins de 3 ♣ et une majorité de ▲ :

Bravo ! Ton initiative va dans le sens de ce qu’on attend dans un collectif autogéré !
Ton projet s’inscrit dans l’esprit de coopération, de partage et d’horizontalité. Tu as su éviter une majorité de pièges de la bureaucratisation, de la hiérarchisation, et tu fais en sorte que chacun puisse participer de manière égalitaire. C’est une démarche inspirante et on espère voir plus d’initiatives comme la tienne au sein du collectif. Continue sur cette voie !

Pas de majorité de ▲ et moins de 3 ♣ :

Tu tiens peut être quelque chose mais il faut l’améliorer.
Ton initiative est intéressante et a de bonnes intentions, mais elle présente quelques aspects qui pourraient freiner la dynamique collective ou introduire des obstacles importants. Il y a des ajustements à faire pour mieux respecter les principes de l’autogestion et éviter la centralisation des responsabilités. Avec quelques améliorations, ton projet pourrait vraiment prendre un tournant plus coopératif et inclusif. En l’état nous te conseillons de ne pas passer à l’acte et de prendre conseil autour de toi.

* Ne prenez pas au pied de la lettre les chiffres indiqués. Les résultats de ce test se veut un peu parodique, même si le fond nous semble important. Par exemple pour certaines décisions 1 seul trèfle est rédhibitoire.

N’hésitez pas à critiquer positivement ou négativement le test de prise de décision en autogestion aux vus de ses qualités d’aide à la prise de décision, sa prise en main, sa complexité ou non, des questions essentielles oubliées,…